action en nullité de marque inpi

Cadre juridique de l’action en nullité de marque
L’article L.714-3 du Code de la Propriété Intellectuelle définit l’action en nullité comme suit :
« L’enregistrement d’une marque est déclaré nul par décision de justice ou par décision du directeur général de l’Institut national de la propriété industrielle, en application de l’article L. 411-4, si la marque ne répond pas aux conditions énoncées aux articles L.711-2, L.711-3, L.715-4 et L.715-9. »
Lorsqu’une action en nullité aboutit, la marque perd toute protection et est considérée comme inexistante depuis son dépôt. Son enregistrement devient donc caduc pour l’ensemble des produits et services qu’elle couvrait.
Motifs pouvant conduire à une action en nullité de marque
En droit français, toute personne peut demander l’annulation d’une marque si elle ne respecte pas certaines conditions. Ces motifs se classent en deux catégories :
Motifs absolus de l’action en nullité de marque
Une marque peut être annulée dans les cas suivants :
- Absence de caractère distinctif : une marque purement descriptive ou générique ne peut être enregistrée.
- Contrariété à l’ordre public ou aux bonnes mœurs : une marque offensante ou illicite ne peut être maintenue.
- Risque de tromperie : une marque qui induit le public en erreur sur la nature, la qualité ou la provenance d’un produit ou service doit être annulée.
Motifs relatifs de l’action en nullité de marque
Un conflit avec des droits préexistants peut également justifier l’annulation d’une marque :
- Atteinte aux droits antérieurs : une marque ne peut exister si elle entre en conflit avec une marque enregistrée auparavant.
- Atteinte à une marque de renommée : un tiers ne peut pas enregistrer abusivement une marque renommée.
- Dépôt de mauvaise foi : une intention frauduleuse du déposant entraîne la nullité de la marque.
- Conflit avec d’autres signes distinctifs : une marque ne peut pas porter atteinte à une dénomination sociale, un nom commercial, une appellation d’origine ou un droit d’auteur.
EN SAVOIR PLUS: "Annulation d’une marque : comment l’INPI apprécie les motifs relatifs et absolus de nullité"
Procédure en nullité de marque
Depuis la réforme du 1ᵉʳ avril 2020, l’INPI et les Tribunaux Judiciaires se partagent la compétence pour traiter ces actions.
Compétence de l’INPI
L’INPI traite exclusivement les demandes en nullité de marques formées à titre principal (article L.716-5-I-1° du Code de la Propriété Intellectuelle).
Toute contestation d’une décision de l’INPI relève de la Cour d’Appel.
Compétence des Tribunaux Judiciaires
Les tribunaux interviennent dans les cas suivants :
- Demande en nullité à titre reconventionnel : cette demande, formulée en défense, doit avoir un lien direct avec l’affaire initiale.
- Demande connexe à une autre action : si une autre demande, relevant du Tribunal Judiciaire (ex. : atteinte aux droits d’auteur), est engagée simultanément.
- Motif spécifique : certaines demandes concernent la contrariété à l’ordre public (article 711-2-7° du Code de la Propriété Intellectuelle).
- Mesures probatoires provisoires ou conservatoires : par exemple, une saisie-contrefaçon ou un référé-rétractation.
Prescription et forclusion de l’action en nullité de marque
En principe, l’action en nullité n’est pas soumise à prescription. Toutefois, deux exceptions existent :
- Forclusion par tolérance :si le titulaire d’une marque antérieure accepte une marque similaire pendant plus de cinq ans, il ne peut plus en demander l’annulation.
- Prescription de la nullité pour marque notoire : après cinq ans à compter de l’enregistrement d’une marque contestée, une demande d’annulation devient impossible. Toutefois, cette règle ne s’applique pas en cas de mauvaise foi du déposant.
Différence entre une action en nullité et une action en déchéance de marque
Bien que ces deux actions entraînent la perte d’une marque, elles diffèrent sur plusieurs points.
Critère | Action en nullité | Action en déchéance |
---|---|---|
Motif | Enregistrement non conforme à la loi | Non-exploitation de la marque |
Effet | Rétroactif : la marque est annulée depuis son dépôt | Non rétroactif : la marque est perdue à compter de la décision |
Demandeur | Toute personne justifiant d’un intérêt | Toute personne intéressée (concurrent, consommateur…) |
Exemples jurisprudentiels récents
Nullité d’une marque pour confusion avec une marque antérieure:
- SARAH BYS c. BYS
La société G.F.A. (AUST) PTY LTD a demandé l’annulation de la marque française « SARAH by S » n°18/4508967, déposée par Madame X, pour des produits et services de beauté. La demande s’appuyait sur l’existence d’un risque de confusion avec la marque antérieure « BYS » n°1024535, désignant l’Union européenne.
L’INPI a jugé que les produits et services couverts par les deux marques étaient identiques ou similaires. La marque contestée couvrait des produits de la classe 3 (savons, parfums, huiles essentielles, cosmétiques, dentifrices, produits de démaquillage, rouge à lèvres, masques de beauté, produits de rasage) et des services de la classe 44 (soins d’hygiène et de beauté, services de salons de beauté).
L’élément dominant et distinctif des marques en cause était « BYS », renforçant le risque de confusion. La marque « BYS » bénéficiait d’un caractère distinctif accru en raison de sa notoriété sur le marché français. L’INPI a conclu que le public moyen pouvait croire que les produits et services provenaient de la même entreprise ou d’entités liées.
En conséquence, la marque « SARAH BYS a été déclarée nulle pour les produits et services contestés. Les autres demandes du titulaire de la marque contestée, notamment une demande d’indemnisation pour préjudice moral, ont été rejetées. L’INPI a condamné Madame X à payer 550 euros au titre des frais exposés par la société G.F.A. (AUST) PTY LTD. La décision a confirmé l’importance du risque de confusion dans les litiges en nullité de marque. (Décision de l’INPI du 16 décembre 2021 NL 21-0104)
Nullité d’une marque déposée de mauvaise foi :
- BIOGREEN CHEMICALS c. BIOGREEN CHEMICALS
L’INPI a retenu la mauvaise foi du titulaire de la marque contestée en se basant sur plusieurs éléments convergents. Tout d’abord, celui-ci était un ancien associé du demandeur et connaissait l’usage antérieur du signe « BIOGREEN CHEMICALS » par cette société brésilienne. Ensuite, le dépôt de la marque en France est intervenu dans un contexte conflictuel, juste après la révocation du titulaire de son poste de président d’une société liée au demandeur.
De plus, la marque contestée était quasiment identique aux signes utilisés par le demandeur, et visait des produits et services similaires. L’INPI a estimé que le dépôt n’avait pas pour but légitime de distinguer des produits, mais plutôt d’empêcher le demandeur d’exploiter son signe en France. L’élément intentionnel de la fraude a été renforcé par la volonté manifeste du titulaire d’évincer son ancien partenaire du marché français.
Enfin, la chronologie des faits et les preuves présentées ont démontré que le titulaire de la marque avait agi en contradiction avec les usages honnêtes du commerce. Sur cette base, l’INPI a conclu que le dépôt avait été effectué de mauvaise foi et a prononcé la nullité de la marque.
En revanche, la demande a été rejetée sur d’autres fondements, notamment le risque de confusion avec un nom de domaine et un nom commercial antérieur. L’INPI a considéré que la preuve d’une atteinte à ces droits n’avait pas été rapportée. De même, le fondement du dépôt non autorisé par un agent ou représentant a été écarté. La décision s’inscrit dans une appréciation globale des circonstances du dépôt. Elle met en évidence l’importance de la bonne foi dans l’enregistrement des marques. (INPI, 13 septembre 2022, NL 21-0178)
Affaire MEDIC GOV
L’INPI a rejeté la demande en nullité de la marque « MEDIC GOV » déposée par la société SMART MEDIC contre le titulaire C. B. La demande était fondée sur plusieurs motifs absolus : absence de caractère distinctif, descriptivité, et caractère trompeur du signe. Le demandeur estimait que « MEDIC » évoquait le domaine médical et que « GOV » pouvait faire croire à une origine gouvernementale, rendant la marque trompeuse. Cependant, l’INPI a jugé que le demandeur n’avait pas apporté la preuve que ces termes étaient perçus ainsi par le public au moment du dépôt. De plus, l’association des deux termes n’a pas été considérée comme directement descriptive des produits concernés. L’INPI a également rejeté l’argument selon lequel la marque pourrait tromper le consommateur sur l’origine ou la nature des produits. En conséquence, la marque « MEDIC GOV » a été maintenue et la demande en nullité a été refusée. ( INPI, 16 décembre 2021, NL 21-0104)
Évolutions récentes en matière d’action en nullité de marque – INPI
Les chiffres publiés par l’INPI montrent une augmentation constante des actions en nullité :
- 2021 : 750 nouvelles demandes ont été déposées.
- 2021 : 58 % des actions étaient fondées sur des droits antérieurs.
- 2023 : Le nombre d’actions a progressé de 22 % par rapport à 2022.
- Motif fréquent : La mauvaise foi du déposant et les dépôts frauduleux.
Ces tendances confirment l’importance de l’action en nullité pour lutter contre les pratiques abusives.
Recommandations pratiques avant d’engager une action en nullité de marque
Pour maximiser ses chances de succès, il est recommandé de :
✔ Surveiller les dépôts concurrents afin d’agir rapidement.
✔ Réaliser un audit juridique avant d’engager une procédure.
✔ Faire appel à un avocat spécialisé pour rédiger les mémoires et suivre le dossier.
✔ Anticiper les règles de forclusion afin de préserver son droit à agir.
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Gala PARICHEVA – Avocat à la Cour