OOLITH AVOCATS obtient la condamnation TOTAL ENERGIES GUADELOUPE pour rupture abusive de pourparlers d’une vente immobilière (article 1112 du Code civil).
La Cour d’appel de Basse-Terre a rendu le 25 septembre 2023 un arrêt qui s’inscrit en droite ligne avec l’application jurisprudentielle des dispositions du Code civil relatives à la rupture abusive (brutale) des pourparlers.
La rupture abusive (brutale) des pourparlers est sanctionnée par les dispositions du Code civil
Dans la phase pré-contractuelle les parties sont libres de mettre fin aux pourparlers.
Cependant il ne faut pas que la rupture des pourparlers dégénère en abus. Ce principe est prévu par l’article 1112 du Code Civil selon lequel :
« L’initiative, le déroulement et la rupture des négociations précontractuelles sont libres. Ils doivent impérativement satisfaire aux exigences de la bonne foi.
En cas de faute commise dans les négociations, la réparation du préjudice qui en résulte ne peut avoir pour objet de compenser ni la perte des avantages attendus du contrat non conclu, ni la perte de chance d’obtenir ces avantages. »
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En l’espèce, la société TOTAL ENERGIES GUADELOUPE a été condamnée pour rupture abusive (brutale) de pourparlers d’une vente immobilière
Dans cette affaire, la société TOTAL ENERGIES MARKETING ANTILLES GUYANE (appelée ci-après TOTAL ENERGIES Guadeloupe) a fait construire sur un terrain en Guadeloupe une station de lavage haute pression. Elle a confié la location-gérance de la station à la société MPPC.
Ce contrat a été conclu dans le cadre d’un projet de vente du fonds de commerce et du terrain d’exploitation au profit de du locataire-gérant.
En effet, l’article 9.1 du contrat dédié à sa durée stipulait qu’il avait été “consenti pour une durée déterminée arrivant à échéance le jour de la vente du fonds de commerce objet de la location-gérance, vente qui sera concomitante à celle du terrain sur lequel se situe le fonds de commerce objet de la location-gérance, sans pour autant excéder une durée maximale de 5 ans, soit jusqu’au 31 décembre 2018″.
A la suite de la conclusion de ce contrat, des négociations se sont poursuivies entre les parties pendant une longue durée de plus de quatre années.
Après cette longue période de négociations, la société TOTAL ENERGIES GUADELOUPE, par un courrier du 9 mars 2018, rédigé en termes spécialement lapidaires et sans aucun exposé d’un quelconque motif, a mis fin à ces pourparlers.
Dans ce courrier, TOTAL ENERGIES GUADELOUPE notifiait sa décision de ne plus vendre son fonds de commerce de station de lavage et son terrain d’exploitation.
Dans ces conditions la société MPPC a donné mandat à Maîtres Isabelle BRUNET et Gala PARICHEVA du cabinet OOLITH AVOCATS pour agir, entres autres, en rupture abusive des pourparlers relatifs à la vente immobilière.
Ainsi, par acte d’huissier de justice du 26 décembre 2018, la société MPPC, a fait assigner la société TOTAL ENERGIES devant le tribunal judiciaire de POINTE-A-PITRE en lui demandant des dommages et intérêts pour rupture brutale de pourparlers.
Par jugement contradictoire du 7 octobre 2021, le tribunal judiciaire de POINTE-A-PITRE a déclaré recevable l’action de la société MPPC et jugé que la société TOTAL ENERGIES GUADELOUPE a commis une faute dans la rupture des négociations. Le tribunal a donc condamné cette dernière à payer à la société MPPC la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral.
Dans un arrêt en date du 23 septembre 2023, la Cour d’appel d’appel de Basse-Terre a suivi les premiers juges et a déclaré de nouveau la société TOTAL ENERGIES GUADELOUPE fautive pour rupture abusive des pourparlers de la vente immobilière en question.
En outre, la Cour d’appel a revu à la hausse la condamnation de la société TOTAL ENERGIES GUADELOUPE. Elle a ordonné à cette dernière de payer à la société MPPC la somme de 50.000 euros au titre du préjudice moral subi.
Le raisonnement des premiers juges et des magistrats de la Cour d’appel s’inscrit en ligne droite avec la jurisprudence constante relative, d’abord, à la détermination de la faute et puis, à l’évaluation du préjudice subi suite à une rupture brutale/ abusive de pourparlers (Article 1112 du Code civil).
La qualification de la faute de TOTAL ENERGIES GUADELOUPE dans la rupture des négociations
Dans cette affaire, la Cour d’appel de Basse-Terre a examiné en détails le comportement des parties lors des négociations et a décidé qu’une rupture aussi lapidaire mettant fin à plus de quatre années de négociations était fautive. Les négociations certes n’avaient jamais permis une rencontre des volontés ferme et définitive sur à la fois la chose, le prix et les autres modalités des cessions envisagées, mais avaient été émaillées, pour la société MPPC, de forts et légitimes espoirs d’aboutir, puisque, notamment :
- La société TOTAL ENERGIES faisait rappel des propositions de part et d’autre dans ses nombreux courriers,
- La société TOTAL ENERGIES confirmait “accepter de revoir à la baisse le prix principal net vendeur« qu’elle a fixe au prix proposé par les acheteurs,
- La société MPPC, futur acheteur, a respecté les exigences premières de ce courrier en adressant à la société TOTAL ENERGIES, par LRAR du 27 mars 2017, un courrier d’acceptation de l’offre de prix, y indiquant qu’elle était dès lors en attente d’un projet de promesse de vente en conformité avec le courrier de TOTAL du 8 juillet 2015 ;
- Or, sans avoir jamais évoqué cette condition dans ses précédents courriers, la société TOTAL ENERGIES a tout-à-coup fait retour à la société MPPC, en un courrier du 20 juin 2017, pour conditionner toute “avancée dans ce dossier” au paiement par une dette par une tierce personne.
Selon la Cour d’appel de Basse-Terre, il résulte de l’ensemble de ces éléments de fait et de droit que la faute de la société TOTAL ENERGIES dans la rupture du 9 mars 2018 est double.
D’une part:
La négociation était en cours depuis plus de 4 ans et que, bien que non finalisée dans une promesse synallagmatique dont elle avait fait légitimement une condition formelle, elle avait abouti à un accord sur la chose et sur le prix lors de l’échange de courriers des 16 et 27 mars 2017, soit 800 000 euros, ce qui était un pas immense vers la conclusion d’une vente envisagée dès 2014. Ce d’autant que dans un courrier du 8 juillet 2015 TOTAL ENERGIES disait déjà préparer la rédaction d’une telle promesse.
En outre, la lettre de rupture du 9 mars 2018 est brutale en la forme.
Elle ne contient pas le moindre motif de cessation de toute négociation et de refus de la vente en cause,
D’autre part:
Il est manifeste, au regard du courrier de revirement du 20 juin 2017, que la société TOTAL ENERGIES, contre toute attente et sans avoir jamais rien envisagé de tel précédemment, a décidé de faire du paiement de la dette prétendue d’une société tierce la condition de la cession pourtant presqu’aboutie entre elle et la société MPPC, société dont le seul lien avec cette dernière semble être la communauté des associés, et ce au mépris de la dissociation des personnalités juridiques ;
Selon la Cour d’appel de Basse-Terre, il y a là autant de fautes qui ont causé à la société MPPC un préjudice indemnisable si celui-ci est démontré en sa réalité et si un lien de causalité direct et certain entre ce préjudice et ces fautes est prouvé.
La société TOTAL ÉNERGIES a été donc jugé fautive de la rupture de pourparlers relatifs à la vente immobilière en question et ce conformément aux dispositions du Code civil.
L’évaluation du préjudice causé par la société TOTAL ENERGIES suite à la rupture brutale des pourparlers
Après avoir reconnu la faute de la société TOTAL ENERGIES, la Cour d’appel de Basse-Terre rappelle les règles posées par l’article 1112 du code civil relatives à l’indemnisation du préjudice découlant d’une rupture brutale/ abusive de pourparlers.
« Mais attendu qu’il a été rappelé ci-avant qu’aux termes de l’article 1112 du code civil, la société MPPC est irrecevable à solliciter, “en cas de faute commise dans les négociations”, la compensation de “la perte des avantages attendus du contrat non conclu” et celle de “la perte de chance d’obtenir ces avantages.”
En revanche, la Cour d’appel déclare la société MPPC, victime de l’abus commis par la société TOTAL ENERGIES, recevable à solliciter l’indemnisation à la fois d’un préjudice moral s’il est démontré et d’un préjudice matériel qui peut être fait des frais et coûts légitimes engagés dans le fonds de commerce ou le terrain dont la vente était envisagée, sans lien avec les obligations du locataire-gérant envers le fonds loué ;
Ainsi, la Cour d’appel se livre à un examen minutieux du lien direct entre le préjudice subi par la société MPPC et la rupture abusive / brutale des pourparlers commise par la société TOTAL ENERGIES à l’occasion de la vente immobilière conformément au Code civil.
L’absence de préjudice matériel subi suite à la rupture abusive de pourparlers de vente immobilière commise par TOTAL ENERGIES
La société MPPC fournissait en première et deuxième instance le montant des dépenses d’entretien et de renouvellement du complexe immobilier objet de la vente s’élevant à 55.000 euros. Ensuite, la société MPPC revendiquait le remboursement de la somme 12 303,90 euros au titre de dépenses liées aux prestations d’un cabinet d’architecture pour produire des plans et devis d’architecte liés au bien immobilier objet des pourparlers.
Cependant, la Cour a refusé le lien direct en ces dépenses et les pourparlers, abusivement rompus par la société TOTAL ENERGIES.
Selon les magistrats de la Cour, les premiers juges avaient constaté que les dépenses de 55 000 euros correspondent à « des dépenses d’entretien et de renouvellement de matériels qui rentraient dans le strict cadre des obligations du locataire-gérant telles qu’elles résultaient de l’article 7 du contrat du 1er janvier 2014 ; que cette somme est donc sans lien de causalité avec les fautes de la société TOTAL ENERGIES et ne peut qu’être elle aussi rejetée ».
Puis, s’agissant de la somme de 12 303,90 euros de prestations d’architecte, la Cour considère que ce montant a trait « à des prestations d’un cabinet d’architecture manifestement requises bien trop tôt par la société MPPC en regard de l’état d’avancement des négociations en vue de la vente du terrain ».
Ensuite, les magistrats ont décidé qu’il s’agit de prestations de plans et devis d’architecte “en vue de percevoir, à terme, des revenus locatifs”, lesquelles ne pouvaient utilement être engagées qu’en cas de certitude de conclure la vente, ce qui n’a jamais été le cas, ainsi que constaté ci-avant compte tenu des conditions qui étaient posées par TOTAL ENERGIES.
Par conséquent, cette somme est donc elle aussi dépourvue de lien de causalité avec les fautes de la société TOTAL ENERGIES, si bien que la demande de ce chef est rejetée.
Le préjudice moral subi suite à la rupture abusive de pourparlers de vente immobilière commise par TOTAL ENERGIES
Le montant du préjudice moral a été revu à la hausse par la Cour d’appel.
La raison de cette ré-évaluation à la hausse consiste en la longueur des négociations, ayant créé des espoirs légitimes, brutalement rompus.
Selon la Cour d’appel de Basse -Terre, les espoirs que pouvait mettre la société MPPC dans la conclusion finale d’une cession du terrain étaient fondés sur l’ensemble des échanges qu’elle a pu avoir avec la société TOTAL ENERGIES au long des courriers ci-avant rappelés, et ce jusqu’à celui du 20 juin 2017 qui a tout juste précédé la rupture du 9 mars 2018.
Ces espoirs ont donc été déçus gravement par la rupture brutale commise par TOTAL ENERGIES.
Ces espoirs déçus ont causé un important préjudice moral à la société MPPC, si bien qu’il y a eu lieu de le réparer, sur infirmation du jugement de ce ce chef, par l’allocation d’une somme plus élevée, savoir 50.000 euros, ainsi évaluée au regard de la longueur des négociations brutalement rompues plus de 4 ans après leur engagement.
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