Le logo constitue un marqueur graphique fort de l’identité d’une entreprise.

C’est pourquoi la protection des logos est entre autre assurée par l’article L.122-4 du Code de la propriété intellectuelle qui prévoit que :

« Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite. Il en est de même pour la traduction, l’adaptation ou la transformation, l’arrangement ou la reproduction par un art ou un procédé quelconque ».

Sur ce fondement, le Tribunal de Grande Instance de Paris a récemment fait droit aux demandes soutenues par la Fédération Compagnonnique des Métiers du Bâtiment qui poursuivait une société ayant indûment utilisé sur son site internet son logo ainsi que sa marque. (Tribunal de Grande Instance de Paris,  3-ème chambre, 2-ème section, jugement du 10 avril 2015, RG 13/05798)

Reconnue coupable d’actes de contrefaçon de droit d’auteur, cette société a été condamnée à indemniser le préjudice de la FCMB et à régler les frais de procédure, en plus de se voir interdire toute utilisation ou reproduction du logo concerné.

Tout d’abord, au soutien de ses demandes, la FCMB avait invoqué la contrefaçon de sa marque française ‘Les Compagnons du Tour de France » du fait de sa reproduction par la société poursuivie dans son nom commercial « Aux ateliers des Compagnons du Tour de France » ainsi que dans son adresse email: »auxateliersdescompagnons@orange.fr affiché sur sa camionnette de travail.

Le Tribunal de Grande Instance n’a pas retenu la contrefaçon de marque en raison de la différence entre les services visés par la marque antérieure, d’une part, et l’activité de la défenderesse, d’autre part.

En revanche, le Tribunal a retenu la contrefaçon du droit d’auteur du logo reproduit par la défenderesse.

A l’appui de ses demandes en contrefaçon, la FCMB avait évoqué la titularité de droits d’auteur sur le logo créé par l’architecte DPLG Monsieur Bernard H qui lui avait cédé ses droits le 24 avril 1991 et avait reproché à la société défenderesse d’avoir reproduit ce logo à l’identique sur son internet ainsi que sur son camion de travail et sur différents supports de communication.

La société défenderesse avait contesté les droits de la  FCMB en mettant en avant qu’aucune pièce, aucun croquis n’avait été versé aux débats. Elle a également argué que l’acte de cession de droit d’auteur au profit de la FCMB n’avait pas été non plus versé aux débats et qu’il n’était donc pas possible de vérifier qu’il contenait les dispositions légales de formalisme obligatoire prévues par l’article L. 131-3 du Code de la Propriété Intellectuelle. Ainsi, la société défenderesse considérait qu’il ne pouvait pas lui être reproché d’avoir reproduit un dessin pouvant reprendre les caractéristiques du logo litigieux.

Les premiers juges ont rappelé la règle selon laquelle une personne morale qui exploite de manière non équivoque une œuvre sous son nom est, en l’absence de toute revendication de l’auteur, est présumée titulaire des droits d’auteur à l’égard des tiers poursuivis en contrefaçon. Pour bénéficier de cette présomption, il appartient à la personne morale qui l’invoque de caractériser l’œuvre sur laquelle elle revendique des droits, et de justifier d’actes d’exploitation non-équivoques.

Les juges ont considéré qu’en l’espèce il résultait de l’attestation de l’architecte DPLG Monsieur Bernard H, produite par la demanderesse, qui comportait « une reproduction en couleur du logo invoqué représentant notamment une roue à l’intérieur de laquelle se trouvent 10 rayons, ainsi que la Tour Eiffel et une sorte d’arche », que ce dernier confirmait la création de ce logo et la cession des droits d’auteur à la FCMB en avril 1991.

Le tribunal a par ailleurs confirmé que, selon les dispositions de l’article L. 131-2 alinéa 2[1] du Code de la propriété intellectuelle, l’écrit n’est exigé, comme preuve de la cession des droits d’auteur, que dans les cas expressément visés à l’alinéa 1er, à savoir les contrats de représentation, d’édition et de production audiovisuelle, et non pour les contrats de cession de droits relatifs à un logo, comme en l’espèce.

Le Tribunal a affirmé également que les mentions obligatoires imposées à peine de nullité par l’article L. 131-3[2] du Code de la Propriété Intellectuelle ne concernaient que les seuls contrats prévus à l’article L. 131-2 susvisé (les contrats de représentation, d’édition et de production audiovisuelle).

Ainsi les juges ont-ils noté que la FCMB justifiait bien être le cessionnaire des droits d’auteur de Monsieur Bernard H. et qu’elle exploitait bien le logo revendiqué en page d’accueil sur son site Internet.

Par conséquent, la FCMB justifiait la titularité de ses droits ainsi que l’originalité de la création qui allie une roue ancestrale, la Tour Eiffel et une forme d’arche.

Ainsi, la société défenderesse laquelle avait apposé sur son camion professionnel ainsi que sur son site Internet un logo qui reprend les caractéristiques du logo revendiqué, à savoir la roue avec 10 rayons, la Tour Eiffel et une forme d’arche avait été reconnue par le Tribunal coupable de contrefaçon de droit d’auteur.

Le Tour de France du compagnonnage est une institution traditionnelle d’apprentissage et de formation aux arts et métiers manuels et techniques, consistant en un périple que fait l’aspirant compagnon chez des maîtres de son métier qui lui transmettent leurs connaissances et leur expérience.

La coordination et la transmission de cette formation unique est assurée aujourd’hui par quelques  associations compagnonniques dont la Fédération Compagnonnique des Métiers du Bâtiment qui a agi, par l’intermédiaire du cabinet d’avocats Oolith,  devant le  Tribunal de Grande Instance de Paris pour lutter contre l’usurpation de  l’un de ses signes distinctifs.


[1] La version de l’article L. 131-2 alinéa 2 applicable au moment du jugement (avant sa modification par la loi du 9 juillet 2016 (article 7) relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine:
Les contrats de représentation, d’édition et de production audiovisuelle définis au présent titre doivent être constatés par écrit. Il en est de même des autorisations gratuites d’exécution. 
Dans tous les autres cas, les dispositions des articles 1341 à 1348 du code civil sont applicables.
La loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine a modifié certaines dispositions applicables au droit de la propriété littéraire et artistique.
Elle a en particulier ajouté un alinéa à l’article L. 131-2 du Code de la Propriété intellectuelle (CPI), alinéa ainsi rédigé :
« Les contrats par lesquels sont transmis des droits d’auteur doivent être constatés par écrit. »
L’article L131-2 du CPI dispose donc désormais que :
« Les contrats de représentation, d’édition et de production audiovisuelle définis au présent titre doivent être constatés par écrit. Il en est de même des autorisations gratuites d’exécution.
Les contrats par lesquels sont transmis des droits d’auteur doivent être constatés par écrit.
Dans tous les autres cas, les dispositions des articles 1341 à 1348 du code civil sont applicables.»
L’alinéa nouveau vient donc généraliser l’obligation de l’écrit de la cession. En conséquence, il devient désormais indispensable de recourir à un acte écrit pour céder tout type de droit d’exploitation appartenant à un auteur (et non seulement dans le cadre de contrats de représentation, d’édition et de production audiovisuelle) ou se trouvant dans le périmètre de délégation d’un « ayant-cause » tel qu’un éditeur.
[2] L’article L. 131-3 dispose: La transmission des droits de l’auteur est subordonnée à la condition que chacun des droits cédés fasse l’objet d’une mention distincte dans l’acte de cession et que le domaine d’exploitation des droits cédés soit délimité quant à son étendue et à sa destination, quant au lieu et quant à la durée.
Lorsque des circonstances spéciales l’exigent, le contrat peut être valablement conclu par échange de télégrammes, à condition que le domaine d’exploitation des droits cédés soit délimité conformément aux termes du premier alinéa du présent article.