La loi du 1er août 2006 a profondément modifié le régime du droit d’auteur applicable aux agents publics (fonctionnaires chercheurs).
Avant cette réforme, l’administration était réputée détentrice des droits sur les œuvres créées dans l’exercice des missions du service, conformément à une jurisprudence issue d’un avis du Conseil d’État (Ofrateme, 21 nov. 1972, non publié). L’article L. 111-1 du Code de la propriété intellectuelle (CPI) conférait en principe les droits à l’auteur salarié, mais cette disposition ne s’appliquait qu’aux relations professionnelles relevant du droit privé. Cette approche a été confirmée par plusieurs décisions tant de l’ordre administratif que judiciaire.
Création des agents publics
Désormais, la loi établit que les agents publics (fonctionnaires chercheurs) conservent leurs droits d’auteur au même titre que les salariés du secteur privé. L’article L. 111-1 alinéa 3 du CPI reconnaît cette titularité aux agents de l’État, des collectivités territoriales, des établissements publics à caractère administratif, des autorités administratives indépendantes dotées de la personnalité morale et à la Banque de France. Toutefois, ce principe est encadré afin de tenir compte des intérêts de l’employeur public, ce que la législation n’a pas imposé aux salariés du secteur privé.
Une exception est prévue au dernier alinéa de l’article L. 111-1 CPI : les agents dont les œuvres ne sont soumises à aucun contrôle préalable de leur hiérarchie conservent pleinement leurs droits. Cette disposition vise notamment les universitaires, préservant ainsi leur régime spécifique en vigueur depuis le XVIIIe siècle. Toutefois, la rédaction de la loi est suffisamment large pour s’appliquer à d’autres agents bénéficiant d’une autonomie fonctionnelle. Il est également à noter que les auteurs de logiciels sont soumis à une règle particulière : leurs droits patrimoniaux sont directement « dévolus à l’employeur » en vertu de l’article L. 113-9 CPI.
En dehors de ces cas spécifiques, le dispositif s’applique tant aux droits patrimoniaux (2) qu’au droit moral (1).
Droit d’auteur moral des fonctionnaires
Lorsqu’un agent public crée une œuvre dans ses fonctions « « dans l’exercice des fonctions ou d’après les instructions reçues » il suit un cadre précis. De plus, s’il agit selon des instructions, les mêmes règles s’appliquent. Ainsi, il exerce son droit de divulgation dans le respect de son statut.
Enfin, il doit aussi suivre les règles propres à l’organisation qui l’emploie. (article. L. 121-7-1 al. 1 CPI)
De plus, l’auteur accepte les modifications justifiées par l’intérêt du service. Cependant, ces modifications ne doivent pas nuire à son honneur ou à sa réputation. Ainsi, l’article L. 121-7-1 alinéa 2 du Code de la propriété intellectuelle encadre strictement cette possibilité. En conséquence, le droit au respect de l’œuvre se limite aux seule garanties de la convention de Berne.
Quant au droit de repentir et au droit de retrait, l’auteur ne peut les exercer sans l’accord de son autorité hiérarchique. Ainsi, l’article L. 121-7-1 alinéa 2 du Code de la propriété intellectuelle encadre strictement cette possibilité. Cependant, le droit de paternité reste pleinement applicable selon les règles du droit commun. En conséquence, l’auteur conserve ce droit sans restriction.
Droits d’auteur patrimoniaux des fonctionnaires
Le législateur a instauré un principe de cession automatique des droits au profit de l’État (article. L. 131-3-1 CPI). Cette disposition s’applique également aux collectivités territoriales, aux établissements publics à caractère administratif, aux autorités administratives indépendantes et à la Banque de France (article. L. 131-3-2 CPI).
Pour que cette cession ait lieu, un agent de l’État doit créer l’œuvre dans le cadre de ses fonctions ou en suivant les instructions reçues. Dès la création de l’œuvre, l’État acquiert automatiquement les droits. Toutefois, cette cession ne couvre que ce qui est strictement nécessaire à l’accomplissement des missions de service public. En cas d’exploitation commerciale de l’œuvre, l’auteur conserve un droit de préférence : il peut l’exploiter mais doit d’abord proposer cette exploitation à son employeur (article. L. 131-3-1 CPI).
Un décret en Conseil d’État précisera les modalités d’application de ce dispositif. Il définira notamment la part des revenus revenant à l’auteur pour l’exploitation de son œuvre (article. L. 131-3-3 CPI).
Droit d’auteur des des agents publics interprètes
Le statut des fonctionnaires interprètes est plus ambigu que celui des salariés. Aucune loi ni décision de la Cour de cassation n’a clairement établi qu’un interprète est titulaire des droits sur son interprétation. Toutefois, la jurisprudence distingue les situations selon que l’interprétation est réalisée dans le cadre du service public ou non.
La Cour de cassation a affirmé que « le statut d’agent public ne peut faire obstacle aux dispositions de l’article L. 212-3 du CPI que dans les strictes limites de la mission de service public » (Cass. 3e civ., 3 mars 2005).
Ainsi, les interprètes conservent leurs droits dès lors qu’ils ne sont plus dans le cadre d’une mission de service public.
Inventions des agents publics
L’article L. 611-7 du CPI précise que les règles applicables aux inventions des salariés s’étendent aux agents de l’État, des collectivités publiques et des autres personnes morales de droit public. Un décret en Conseil d’État en fixe les modalités précises.
Le régime des fonctionnaires reprend les règles du secteur privé. Ainsi, ils peuvent aussi recevoir une rémunération supplémentaire.
Cette rémunération peut inclure une prime d’intéressement liée aux revenus générés par l’invention. (article. R. 611-14-1 CPI).
En conclusion, la réforme du 1er août 2006 a marqué une avancée majeure dans la reconnaissance des droits d’auteur des agents publics (fonctionnaires chercheurs), alignant leur statut sur celui des salariés du secteur privé tout en préservant certaines spécificités liées à l’intérêt du service public. Si les agents conservent la titularité de leurs œuvres, l’administration bénéficie d’un droit d’exploitation encadré par des dispositions précises du Code de la propriété intellectuelle. Cette évolution illustre la volonté du législateur de concilier protection des créateurs et impératifs de service public.
Gala PARICHEVA, Avocat à la Cour